REVALIDATION

Le service de revalidation dans lequel travaille mon épouse Franciska accueille généralement des cas assez lourds. Accidentés de la route, trauma post opératoire, maladies ou dysfonctionnements graves, les patients sont rarement de passage car leurs traumatismes demandent un travail de rééducation long et souvent douloureux. Ces femmes, ces hommes, ces enfants sont là pour réapprendre à devenir autonome, à se déplacer, à s’accepter, à entamer une nouvelle vie. Pour se faire ils sont épaulés par une équipe pluridisciplinaire fabuleuse.

A la demande du service, j’ai la chance de photographier depuis quelques mois certains de ces patients qui se sont prêtés au jeu ainsi que le travail d’une équipe formidable sans laquelle ce long processus de revalidation ne serait pas possible.

David est le premier patient qu’il m’a été donné de rencontrer et de photographier. Une rencontre qui restera, pour plusieurs raisons, gravée dans ma mémoire.

Une première expérience de ce type pour moi et beaucoup de questions : Comment allait-il réagir en ma présence, se sentirait-il à l’aise, comment allais-je réagir, …

Plusieurs choses m’ont d’emblée frappé chez David : sa gentillesse, sa disponibilité et sa volonté. Il aurait pu en vouloir à la terre entière, vouloir faire en sorte que les photos se fassent rapidement (ou ne se fasse pas) sans se préoccuper du résultat. A l’inverse, il m’a accueilli avec le sourire, s’est plié volontiers et parfois non sans mal à mes demandes ou les a anticipées. En salle kiné, pendant ses exercices, il se donnait à fond. Et pas spécialement pour les photos. Parce que, comme il m’a dit lors de notre premier entretien, la seule solution viable qu’il lui reste est de regarder devant et d’avancer.

Certes, certains jours furent plus difficiles que d’autres. Certes, c’est et cela restera un combat de tous les instants.

David a accepté de me résumer par écrit son histoire afin que je la partage sur mon site.

Je vous la livre telle que je l’ai reçue, dans sa version originale, David étant anglais. Je l’accompagne des quelques photos qui résument à mes yeux assez bien les moments privilégiés qu’il a accepté de partager. Il va sans dire que je le remercie du fond du cœur pour tout ce qu’il m’a donné en acceptant ma présence pendant ces quelques instants à ses côtés.


David


15 months later/15 mois plus tard…

I was an average man, with an average life, but that changed on the evening of February the 19th 2015. When on the way home from work a driver failed to see my motorcycle and turned in front of me causing a crash that stated a fire that ingulfed the motorcycle and car. Also myself as I was trapped under the bike that was itself stuck under the car. Thankfully two other drivers stopped to rescue me from the flames and organise rescue services to the crash. After a MRI scan at Mons hospital showed no brain traumer or spinal injury I was transferred to the burn trauma unit at the military hospital in Neder-over-Heembeek, Brussels where I was to spend seven months in total. To give the surgeons any hope of saving me, the decision to amputate parts that were beyond saving was taken straight away and most of my right arm and leg were consigned to the trash along with my left foot and ankle.

During the first two months in intensive care I was in an induced coma and went through over fifteen operations mostly skin grafts as nearly 65% of my body was burned.

I can’t remember the accident or my time in intensive care as even when I was brought out of the coma state, I was still on a lot of strong pain killers. I do remember being told that my arm had been amputated and not believing it as I could still feel and see it.

Even after a month, I was still waving goodbye to people with my now invisible hand.

Because of my prosthetics need, I was transferred to the care of Dr Van Marsenille at Saint-Luc hospital, Brussels on the 21st of September 2015 and began learning how to live with my new situation as a triple amputee. As of writing this, I’m still waiting a prosthesis for my left leg, as the leg has not healed as quickly as the rest of my body and is only now ready for the next phase.

David

J’étais un homme ordinaire, avec une vie ordinaire, mais tout a changé le soir du 19 Février 2015. Quand, sur la route allant de mon travail à mon domicile, un chauffeur n’a pas vu ma moto et m’a coupé la route causant un accident qui a réduit sa voiture et ma moto en cendres. Quant à moi, j’étais coincé sous la moto, elle-même coincée sous la voiture. Par chance, deux autres chauffeurs se sont arrêtés pour me sauver des flammes et appeler les services de secours. Après que l’examen de résonance magnétique, à l’hôpital de Mons, ait confirmé que je ne souffrais d’aucun traumatisme au cerveau ni à la moelle épinière, j’ai été transféré près de Bruxelles à l’hôpital militaire de Neder-over-Hembeek dans le service des grands brûlés où j’ai passé sept mois au total. Afin d’offrir aux chirurgiens un quelconque espoir de me sauver la vie, la décision a été prise de m’amputer de toutes les parties du corps qui ne pouvaient être guéries. J’ai ainsi perdu la majeure partie de ma jambe et de mon bras droit ainsi que mon pied et ma cheville gauche.

Les deux premiers mois aux soins intensifs, j’ai été plongé dans un état de coma artificiel pour subir plus de quinze opérations ; principalement des greffes de peau, mon corps étant brûlé à 65%.

Je n’ai aucun souvenir de l’accident ou de mon séjour aux soins intensifs car, même une fois sorti du coma, je recevais de fortes doses de puissants antalgiques. Ce dont je me souviens c’est de m’entendre annoncer l’amputation de mon bras et de ne pas y croire vu que je pouvais encore le sentir et le voir.

Même après un mois, je continuais à faire signe avec ma main fantôme au moment de prendre congé de mes visiteurs.

Mes besoins prothétiques m’ont conduit le 21 Septembre 2015 à l’hôpital Saint-Luc de Bruxelles, dans le service du Dr Van Marsenille, où j’ai commencé à apprendre à vivre avec ma nouvelle situation de triple amputé. En écrivant ces lignes, je suis toujours dans l’attente d’une prothèse pour ma jambe gauche dont la cicatrisation ayant été plus lente que celle du reste du corps et n’étant prête que maintenant à entamer la phase suivante.

David

Dès que possible, je publierai quelques photos d’autres patients faisant partie de ce projet ainsi que de l’équipe qui, à chacune de mes visites, m’accueille à bras ouverts et ne ménage pas sa peine face au travail colossal qui les attend chaque jour.